S2 Episode #2 – Stations de ski : un modèle économique en bout de piste 2/2

Outdoor Podcast revient pour une nouvelle saison, toujours consacrée aux tendances de l’outdoor. Les deux premiers épisodes se penchent sur l’avenir du modèle économique des stations de ski. Au micro de ce second épisode : la régie des pistes de la vallée des Belleville (Les Menuires, Saint-Martin et Val Thorens) et la Rosière.

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Après un premier épisode consacré aux stations de moyenne montagne (accéder au premier épisode), nous sommes montés en altitude afin de poursuivre notre questionnement sur le modèle économique des stations de ski datant des années 60. Un questionnement qui semble d’autant plus pertinent que la pandémie de Covid-19 a entraîné la fermeture prématurée des stations, privant les plus élevées en altitude de quelques mois d’exploitation. Un défi supplémentaire qui, à court terme, prive les stations de 10 à 25% de leur chiffre d’affaires annuel, et dont les effets à long terme sont incertains. Preuve, s’il en était encore besoin, que la baisse de l’enneigement n’est pas le seul risque pesant sur le futur de nos stations. Pollution, renouvellement des générations de skieurs, problématiques énergétiques, ces questions sont plus que jamais d’actualité.

Pour Benjamin Blanc, directeur de la régie des pistes des Belleville (qui regroupe les stations de ski de  Val Thorens, Saint-Martin et les Menuires), le Covid-19 est un accélérateur de tendances. Le changement du modèle économique est une question de survie pour les stations. “Une entreprise qui sait se transformer sait tuer sa vache sacrée (…) Moi, ma vache sacrée, c’est la journée de ski. Il va falloir que l’on réinvente la journée de ski-type de nos clients de demain. (…) Commencer plus tard le matin, prendre une remontée mécanique, sortir de son sac à dos une paire de peaux de phoque. Se faire 200 m. de dénivelé sur un itinéraire sécurisé à la montée et à la descente, reprendre une remontée mécanique… Nous avons là une formidable opportunité de réinventer notre job pour enchanter le client et continuer à exister sur le marché du tourisme.

Il énumère les autres défis auxquels les stations de ski doivent faire face : la pollution (“90% des émissions de Co2 sur le domaine skiable c’est le damage, donc on se doit de bosser là dessus et fortement”), le renouvellement des skieurs (“à nous de leur donner envie de venir”), les fameux lits froids (“on ne sait pas les réchauffer, mais on sait construire de nouveaux lits chauds. C’est une fuite en avant”) et plus généralement la question énergétique (“nous sommes en train de construire un ascenseur valléen depuis la Maurienne pour accéder à nos stations sans voiture”). 
Pour lui, la station de ski (ou “de montagne”) de l’avenir, doit prendre en compte toutes les dimensions de la vie… et pas seulement le tourisme.

« la vallée des Belleville de demain, sera une vallée où il fait bon vivre, bon travailler, bon étudier, bon passer ses vacances ».

Pour Jean Regaldo, directeur du domaine skiable de la Rosière, la transformation des stations de ski passe par une transformation de l’immobilier, comme c’est en cours à La Rosière avec la construction d’un Club Med, projet qu’il défend. “Aujourd’hui, le Club Med est un acteur majeur dans une station, apporteur de lits chauds et de retombées économiques. Ils ont des taux de remplissage exemplaires : 80-85% l’hiver et 60-65% l’été. Quand vous amenez 600 personnes, l’été, dans un village comme la Rosière, l’impact économique est majeur. Il faut construire de nouveaux lits chauds, mais pas n’importe lesquels, il faut aller sur de l’hôtellerie, du village club, des colonies de vacances”.

Sur les autres défis, son constat est lucide, “c’est aujourd’hui, qu’il faut agir, le modèle est viable pour les 30 prochaines années. Au-delà de 2050, c’est la grande inconnue. Si on ne fait rien on peut se retrouver dans des scénarios à 2100 assez catastrophiques. Par exemple, le transport en station. A la Rosière 10% seulement des skieurs viennent en train alors que le TGV s’arrête à Bourg-Saint-Maurice ! Il faut mettre tout le monde autour de la table”, plaide-t-il en écho à Benjamin Blanc. Tous deux savent parfaitement que l’enjeu essentiel sera de faire avancer dans la même direction tous les acteurs de ces écosystèmes éminemment fragmentés que sont les stations de ski françaises. 

Les enjeux sont connus, les acteurs réfléchissent, cette crise sera probablement l’occasion d’accélérer les changements, d’imaginer et mettre en place des modèles économiques nouveaux pour que les stations de ski (ou de montagne) restent des pôles d’activité attractifs et dynamiques. 

* On considère qu’un lit est “froid” s’il est occupé moins de 4 semaines par an.

« C’est aujourd’hui, qu’il faut agir(…). Au-delà de 2050, c’est la grande inconnue ».

Texte : Clothilde Drouet


Notre revue de presse sur le sujet

Slate – Le changement climatique précipite la chute de l’industrie du ski
Les Echos – Les stations de ski françaises face à leur avenir
La Conversation – Quand l’économie française du ski file tout schuss vers l’abîme
Le Monde – Stations de ski : en dessous de 1300 mètres, pas de salut